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Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/130

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CONTES ÉTRANGES

siéges, le brave colonel lui-même, qui aurait encore marché, s’il l’avait fallu, contre des canons chargés, ou même armer son bras d’une épée pour faire respecter une femme, le brave colonel Killigrew n’osa pas retourner la tête.

Cependant le docteur, un peu moins ému, continua avec plus d’énergie dans le geste et dans la voix :

— Que ne puis-je, après cinquante années, te rendre la vie et la jeunesse comme je vais rendre à cette fleur son parfum et ses couleurs !

Ces derniers mots, bien que prononcés avec un grand sérieux, firent cesser le charme de l’évocation qui les avait précédés. La veuve Wycherly, qui avait failli s’évanouir quelques minutes avant, retrouva sa présence d’esprit et l’usage de sa langue pour s’écrier :

— Comment, docteur ! pourquoi ne me dites-vous pas qu’il est possible à mon visage couvert de rides de retrouver la fraîcheur qu’il avait autrefois ?… Vous voulez vous moquer de nous, en vérité ; nous avez-vous fait venir dans cette intention ?

Le docteur Heidegger n’était pas de ces savants qui parlent une heure pour vous expliquer ce que votre œil verra en quelques secondes, et qui vous gâtent ainsi tout le plaisir de l’imprévu et de la surprise ; il parlait le moins possible, avec discrétion, et laissait à la science le soin d’impressionner l’esprit des spectateurs.

— Voyez, dit-il simplement, sans même songer à répondre au flux de paroles inutiles de la veuve Wycherly.

Et, soulevant le couvercle du vase, il posa doucement la rose sur le liquide. Elle parut d’abord voguer à la surface, comme si elle ne pouvait en absorber l’humidité ; mais