Aller au contenu

Page:Hawthorne - Contes étranges.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
CONTES ÉTRANGES

au point de vue du prosaïque bon sens toutes les questions qui se présentaient à son esprit. Avec un cœur aussi bon que celui d’aucun autre, il était possesseur d’une tête aussi dure, aussi impénétrable et, j’imagine, aussi vide que ces vases en fonte qui garnissaient ses magasins. En revanche, la mère se faisait remarquer par un penchant naturel à la poésie, et ses traits étaient d’une beauté idéale ; fleur tendre et délicate, elle avait conservé le velouté de la jeunesse, malgré les réalités du ménage et les soucis de la maternité.

Donc, comme je l’ai dit plus haut, Violette et Pivoine avaient prié leur mère de les laisser courir sur la neige nouvelle, dont l’aspect lugubre, lorsqu’elle tombe à gros flocons d’un ciel grisâtre, devient étincelant et joyeux quand un beau soleil colore d’un rose pâle son tapis immaculé. Les enfants n’avaient pour s’ébattre qu’un petit jardin séparé de la rue par un treillage, et orné d’un poirier, de deux ou trois pruniers, ainsi que de quelques rosiers plantés en massif devant les fenêtres du parloir. Il est vrai qu’en ce moment arbres et arbustes étaient privés de feuillage, et que leurs branches couvertes de neige supportaient, au lieu de fleurs et de fruits, des stalactites de glace.

— Oui, Violette ; oui, mon petit Pivoine, répondit leur maman, vous pouvez, si bon vous semble, aller jouer sur la neige.

Cela dit, la charmante mère revêtit ses deux bien-aimés enfants de chaudes jaquettes, les emmitoufla de bons cache-nez, introduisit leurs menottes dans des mitaines épaisses et leurs petites jambes sous de grandes guêtres