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CONTES ÉTRANGES

cette neige qui tombe du ciel serait une matière sans pareille, si elle n’était pas si froide. Longtemps elle contempla ses deux chérubins. La fillette, élancée pour son âge, gracieuse, agile, avec sa carnation d’un rose tendre et transparent, semblait plutôt une créature immatérielle qu’une réalité physique. Pivoine, au contraire, débordant de séve et de santé, fièrement planté sur ses petites jambes trapues, avait la solidité d’un jeune éléphant. Ainsi les voyait leur mère, tout en tricotant des bas bien chauds pour les jambes de M. Pivoine. Elle faisait courir l’aiguille d’ivoire dans ses doigts agiles, et jetait de fréquents regards par la croisée pour juger des progrès de la statue de neige.

En vérité, rien n’était plus divertissant que de voir ces deux bambins si affairés à leur tâche. Je dirai plus, c’était chose merveilleuse que l’intelligence et l’adresse dont ils faisaient preuve en pétrissant la blanche matière. Violette avait pris la direction de l’œuvre. C’était elle qui, de ses mains fluettes, modelait les parties les plus délicates de la figure.

— Que ces petits êtres sont intelligents ! se disait madame Lindsey en souriant avec une satisfaction toute maternelle. Quels enfants de cet âge seraient capables de former avec de la neige une figure aussi gracieuse ?… Allons, tout cela est très-bien ; mais il faut que je finisse également la blouse de Pivoine, son grand’père vient le voir demain !

Son aiguille courut bientôt dans l’étoffe avec une rapidité pareille à celle dont les enfants lui donnaient l’exemple en travaillant à leur statue de neige. Tout à coup les cris