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LA COMBE DES TROIS COLLINES

— Les avez-vous entendus ? s’écria la jeune femme avec terreur ?

— Oui ; mais nous avons encore autre chose à écouter, répliqua la vieille femme, recouvre ton visage.

Et de nouveau s’éleva le murmure monotone d’une invocation qui ne s’adressait certes pas au ciel. Bientôt, au milieu d’une pause faite par la sorcière, un bruit étrange s’éleva faiblement et grandit au point de couvrir sa voix chevrotante. On entendit des cris, puis un chant lent et suave psalmodié par des voix de femmes, suivi tout à coup de sauvages éclats de rire qu’interrompirent subitement des gémissements et des sanglots, mélange affreux de terreur, d’affliction et de folle gaieté. Un bruit de chaînes, des voix impérieuses et menaçantes, des fouets aux sifflantes lanières se distinguèrent ensuite, puis un chant d’amour qui se termina sur un rythme funèbre.

La jeune femme frémissait aux éclats de ce courroux qui jaillissait terrible et prompt comme une flamme dévorante, et elle se sentait défaillir aux accents de cette horrible joie, dans ce tourbillon où les passions les plus effrénées semblaient lutter ensemble, lorsqu’un silence mortel régna tout à coup. Une voix d’homme grave, sévère, jadis peut-être puissante et mélodieuse, prononça quelques paroles lentement accentuées, puis on entendit le bruit d’un pas fiévreux et saccadé. Au milieu d’une orgie, cet homme semblait chercher un auditeur complaisant pour en faire le confident de ses douleurs ; il racontait la perfidie d’une femme, d’une épouse, qui avait menti aux serments les plus sacrés ; il parlait d’un cœur brisé, d’une maison désolée ; mais ses plaintes furent couvertes par des cris, des rires et des sanglots,