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CONTES ÉTRANGES

le vieux Pierre Hovenden, horloger retiré et ancien patron du jeune homme, dont l’occupation paraissait l’intriguer. À quoi travaille-t-il ? Depuis près de six mois il ne m’est point arrivé de passer une seule fois devant la boutique, sans le voir ainsi occupé. Il n’est point encore assez naïf pour chercher le mouvement perpétuel ; et pourtant je n’ai pas assez oublié mon ancien métier pour ne pas être convaincu qu’Owen s’occupe de tout autre chose que du mouvement d’une montre.

— Mais, mon père, répondit la jeune fille sans paraître attacher d’importance à cette question, peut-être Owen essaie-t-il de perfectionner quelque mécanisme d’horlogerie ; il est assez intelligent pour cela.

— Lui ? reprit le père, il l’est tout juste assez pour inventer un jouet allemand, et il a même le genre d’esprit qu’il faut pour réussir dans cette partie ; il ne pense qu’au joli, à ce qui fait bien. Au diable soient les intelligences de cette nature ? Le meilleur résultat qu’ait produit la sienne, ça été de m’abîmer les meilleures montres de mon magasin. Ce garçon-là, s’il pouvait, ferait mouvoir le soleil hors de son orbite et dérangerait toute l’économie du système planétaire. Heureusement, comme je te le disais tout à l’heure, qu’il est tout au plus bon à inventer un joujou.

— Plus bas, mon père, il peut vous entendre, murmura la jeune fille en pressant le bras du vieillard, et vous savez combien il est susceptible. Continuons notre promenade.

Pierre Hovenden et sa fille Annie poursuivirent leur route en silence jusqu’au carrefour le plus proche, où ils se trouvèrent devant la boutique d’un forgeron. À l’intérieur on apercevait la forge, tantôt illuminant d’une vive lumière