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L’AMOUR DU BEAU

encore si ce petit être était animé, ou bien si c’était un miracle.

— Est-il en vie ? répéta-t-elle le plus sérieusement du monde.

Jugez-en vous-même, répondit Owen Warland qui la considérait avec une anxieuse curiosité.

En même temps, le papillon s’élança, puis, après avoir un instant voltigé près d’Annie, s’éleva presque jusqu’au plafond, toujours visible aux spectateurs de cette scène, grâce à l’éclat dont brillaient ses ailes.

L’enfant, toujours assis sur le parquet, suivait d’un œil émerveillé l’insecte, qui, après avoir parcouru la chambre, redescendit en décrivant une gracieuse spirale jusque sur le doigt d’Annie.

— Mais est-il en vie ? reprit-elle de nouveau. Et sa main tremblait si fort, que le papillon ne parvenait à s’y maintenir qu’en continuant d’agiter ses ailes. Dites-moi s’il est vivant, ou si c’est vous qui l’avez créé.

— Qu’importe de savoir qui l’a créé, s’il est réellement beau, répondit Owen. Vivant, il l’est, Annie, car une partie de mon âme réside en lui, dans sa beauté non-seulement extérieure, mais intime. L’intelligence, l’imagination, la sensibilité de l’artiste sont renfermées dans ce petit être. Oui, c’est moi qui l’ai créé ; mais, ajouta-t-il d’un ton plus triste, il n’est plus pour moi ce qu’il était dans les rêves de ma jeunesse.

— N’importe, c’est un beau jouet, dit le forgeron, qui s’en amusait comme un enfant. Je voudrais bien savoir s’il daignera se poser sur un doigt aussi rude que le mien. Donnez-le-moi, Annie.