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CONTES ÉTRANGES

sur la route qui conduit de son hameau natal à Boston, où son oncle, un humble mercier, devait le placer derrière son comptoir en qualité de commis. Qu’il suffise au lecteur d’apprendre que David appartenait à une honorable famille du New-Hampshire et qu’il possédait une instruction telle qu’on la peut recevoir dans une école de village, mais perfectionnée cependant par un séjour d’une année au collège de Gilmanton.

Après avoir marché depuis l’aube — on était en été, — il se trouva, vers midi, tellement fatigué qu’il résolut de chercher un abri sous le premier ombrage venu, pour y attendre le passage de la voiture publique. Précisément il aperçut un bouquet d’érables qui lui sembla planté tout exprès pour lui ; c’était un berceau de verdure au milieu duquel on voyait sourdre un ruisseau dont l’onde était si pure qu’on aurait pu croire que jamais elle n’avait été seulement altérée par le contact d’une lèvre humaine. Vierge ou non, David Swan étancha sa soif dans cette eau si fraîche, puis, improvisant un oreiller avec un petit paquet de hardes qui formait tout son bagage, il s’étendit auprès de l’orifice même de la source. Ainsi placé à l’abri des rayons du soleil, le gazon parut à notre voyageur une couche plus molle que le duvet. L’eau murmurait délicieusement à son oreille ; les branches d’érable en s’agitant l’éventaient doucement ; il ferma les yeux, puis tomba dans un profond sommeil que vinrent sans doute égayer des songes légers. Mais c’est d’événements très-réels et non pas de songes que nous allons nous occuper.

Pendant qu’il dormait de si bon cœur, d’autres voyageurs passaient et repassaient sans cesse auprès de son agreste