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LES CAPRICES DU SORT

— Comme il dort ! murmura-t-elle.

Elle s’éloigna pourtant, mais d’un pas moins léger qu’auparavant.

Le père de cette jeune fille était un gros marchand des environs, qui cherchait justement alors un commis tel que David Swan. Si le jeune homme eût lié connaissance avec la jolie enfant sur le bord du chemin, il fût devenu le commis du marchand, auquel il eût probablement succédé en qualité de gendre. Ainsi la fortune, sous sa forme la plus gracieuse, venait encore de s’approcher si près de lui que sa tunique avait du le frôler, et cependant il l’ignora toujours.

La jeune fille ne devait pas être loin lorsque deux hommes quittèrent le chemin pour entrer, à leur tour, dans le bosquet d’érables. Ils avaient tous deux de mauvaises figures que rendaient plus sinistres encore leurs bonnets enfoncés jusqu’aux yeux. Leurs habits, sales et déguenillés, avaient dû être jadis élégants. Ces deux coquins gagnaient leur vie par les moyens les moins délicats ; mais pour le moment, en attendant que le sort leur envoyât quelque aubaine, ils venaient sous les arbres jouer le profit de leur dernière affaire. En apercevant David endormi, l’un des vauriens dit à l’autre :

— Pstt… Vois-tu ce paquet qui lui sert d’oreiller ?

Le brigand répondit par un signe affirmatif, avec un clignement de l’œil non moins significatif.

— Je gagerais une bouteille de gin, reprit le premier, que ce garçon doit avoir serré dans son sac une bourse rondelette ou un portefeuille ; peut-être même tous les deux, à moins cependant qu’il n’ait mis son argent dans la poche de son pantalon.