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LA MARQUE DE NAISSANCE

Puis donc que vous le voulez savoir, apprenez que cette marque n’est point superficielle comme je l’avais cru dans le principe. Je vous ai déjà soumise à un traitement externe assez énergique pour l’effacer, si elle n’était aussi profondément incrustée. Une chance de salut nous reste encore ; si elle vient à manquer, nous sommes perdus.

— Pourquoi donc hésitiez-vous à me le dire ? demanda Georgina.

— Pourquoi ?… fit Aylimer avec hésitation, c’est qu’il y a du danger.

— Du danger, mon ami ? mais il n’y en a qu’un pour moi, c’est que cette horrible main ne puisse s’effacer. Ainsi, quoi qu’il puisse advenir, achevez l’expérience.

— Alors, dit tristement Aylimer, regagnez votre boudoir, chère âme ; dans un moment tout sera terminé.

En disant ces mots, il la conduisit jusqu’au seuil du laboratoire, en lui prodiguant les marques d’une respectueuse tendresse ; puis il revint aussitôt à ses fourneaux. Lorsqu’il se fut éloigné, Georgina tomba dans une profonde rêverie. Elle éprouvait, quoi qu’elle en eût, une sorte d’admiration pour cet amour si délicat et si pur de son mari, qui la voulait sans défaut, telle qu’il l’avait rêvée, et ne pouvait souffrir dans l’objet d’un culte enthousiaste l’ombre d’une imperfection. Un sentiment si noble dans son apparente folie lui semblait mille fois préférable à cet amour vulgaire qui l’eût acceptée telle qu’elle était, en conservant une arrière-pensée qui lui semblait, à elle, une profanation, un crime de lèse-idéal. Elle désirait avec ardeur qu’un seul instant, au moins, il lui fût permis de satisfaire cette soif de perfection, la plus haute conception de son époux, dût-elle