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CONTES ÉTRANGES

Tout en faisant ces réflexions, Dominique entra dans la grande rue de Parker’sfall, gros village qui doit sa prospérité à trois filatures et à une fonderie.

Les machines étaient arrêtées et peu de boutiques étaient ouvertes lorsqu’il entra dans la cour de la taverne. Son premier soin fut de faire donner à sa jument quatre mesures d’avoine, et le second d’apprendre à l’hôtelier la catastrophe de M. Higginbotham, en remarquant toutefois que la date en était incertaine et que l’on ignorait encore si le crime avait été commis par un Irlandais et un mulâtre, ou seulement par le fils de la verte Érin. Il déclara qu’il n’endossait point du reste la responsabilité de la nouvelle, qu’il donnait simplement comme un bruit généralement répandu.

L’histoire eut bientôt couru toute la ville avec la rapidité du feu dévorant des sarments, et elle devint le sujet d’un si grand nombre de conversations qu’il n’était déjà plus possible de remonter à la source. M. Higginbotham était très-connu à Parker’sfall comme propriétaire d’une part importante de la fonderie et comme actionnaire principal des filateurs, de façon que la prospérité des habitants de cette localité reposait en quelque sorte sur la tête du vieux gentleman. L’émoi causé par cet événement fut si grand et si général que la gazette de Parker’sfall, anticipant sur le jour habituel de son apparition, fit tirer une demi-feuille à part, imprimée en double cicéro, entremêlé de capitales, sous ce titre effrayant : Horrible assassinat de M. Higginbotham ! Entre autres détails lugubres, l’imprimé parlait de l’empreinte laissée par la corde sur le cou de la victime, et portait à mille dollars le montant de la somme volée. Suivait une longue tartine sur la douleur de la nièce qui ne faisait