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LA GRANDE ESCARBOUCLE

sont dès l’enfance atteints d’une folie particulière, qui consiste dans une perpétuelle recherche de la grande escarboucle. Tous ceux qui avaient en l’occasion de visiter cette région le connaissaient sous le nom de Chercheur ; personne ne se souvenait de l’avoir vu commencer son éternelle exploration, et on en avait fait le héros d’une légende qui prétendait qu’en punition de son avarice il avait été condamné à chercher éternellement la pierre mystérieuse, errant dans ces montagnes jusqu’à la fin des temps, enfiévré d’espérance au lever du soleil et plongé chaque soir dans le désespoir.

Près de ce malheureux était assis un petit vieillard dont le chef était couvert d’un chapeau rond de forme élevée, ressemblant assez à un creuset. Né sur l’ancien continent, le docteur Cacophodel, c’est ainsi qu’on l’appelait, était devenu plus sec et plus ridé qu’un parchemin, à force de rester exposé aux vapeurs délétères qu’exhalaient ses fourneaux et ses cornues, alors qu’il consumait sa vie dans les stériles recherches de l’alchimie. On prétendait, je ne sais si c’était vrai, qu’il avait, dans l’ardeur d’une suprême expérience, mélangé le plus pur de son sang à des ingrédients d’un prix inestimable, et qu’il fallait attribuer à ce sacrifice étrange la décoloration de sa peau.

Après lui venait maître Ichahod Pigsnort, gros marchand de Boston et l’un des premiers adeptes de l’église de Norton. Ses ennemis faisaient courir sur son compte un bruit singulier ; on prétendait que chaque matin, après la prière, maître Pigsnort avait coutume de se rouler tout nu sur un monceau de vieux shillings du Massachusetts.

Le quatrième personnage ne disait son nom à personne.