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LA GRANDE ESCARBOUCLE

furent insensiblement ramenés, et que la grande escarboucle finit par accaparer entièrement leur attention.

Plusieurs racontèrent quelles circonstances les avaient amenés là ; l’un, qui venait d’un pays fort éloigné, avait entendu les récits d’un voyageur ardent de la contempler, il était parti bien résolu à ne revenir qu’après avoir contenté son envie ; l’autre avait été pris de la même fièvre en lisant la relation du capitaine Smith, témoin oculaire des splendeurs de la grande escarboucle ; un troisième, étant campé à plus de quatre milles des montagnes Blanches, avait vu en songe le colossal diamant lui apparaître, semblable à un météore, si brillant que l’ombre des grands pins fuyait devant lui. Ils parlèrent ensuite des innombrables tentatives qui avaient été faites, toujours sans succès, pour découvrir le lieu de son gisement. Un observateur quelque peu attentif eût pu remarquer cependant que chacun, en souriant à la folie de ses prédécesseurs, et paraissant encourager les espérances de ses voisins, nourrissait le secret espoir qu’il serait le seul favorisé par le sort dans cette aventureuse recherche.

Quelques-uns, pour attiédir leurs concurrents, se faisaient l’écho des traditions indiennes qui rapportaient qu’un malin esprit veillait sur la pierre merveilleuse, et ensorcelait tous ceux qui tentaient de s’en approcher, soit en les transportant de pic en pic jusque sur les sommets les plus élevés des montagnes Blanches, soit en faisant surgir d’un lac d’épaisses vapeurs qui les enveloppaient et les forçaient d’errer au hasard. Mais ce conte n’obtenait aucune créance. Ils étaient tous trop intimement persuadés que la véritable cause de l’inutilité des recherches tentées jusque-là ne