— Bois donc, chère femme, s’écria l’heureux savant dans un fervent enthousiasme.
Elle vida rapidement le verre et le rendit en souriant à son mari.
— La délicieuse liqueur ! dit-elle, on dirait l’eau de quelque céleste source ; en un instant elle vient d’apaiser la soif qui me dévorait. Maintenant, ami, j’ai besoin, je le sens, d’un peu de calme. Laissez-moi reposer, j’éprouve une sorte d’engourdissement, mes sens ébranlés appellent le recueillement, de même qu’aux derniers baisers du soleil les fleurs referment discrètement leur corolle.
Elle prononça ces derniers mots avec lenteur et comme si l’énergie qui avait jusque-là soutenu son courage faisait place à un affaissement général. Elle inclina son beau front et s’endormit.
Aylimer s’assit auprès d’elle, surveillant son sommeil avec une poignante émotion, mitigée pourtant de cette indomptable curiosité de savant, qui dans chaque fait voit un phénomène et dans chaque créature un sujet.
Aucun symptôme ne lui échappait ; une légère rougeur, un soupir, un tressaillement imperceptible, tout était minutieusement observé et successivement décrit sur ce fameux registre qui contenait sa vie de savant.
Bientôt, frissonnant de crainte et d’espoir, il osa fixer la main fatale, et, mû par un irrésistible désir, la couvrit pour la première fois de ses lèvres ardentes, comme pour lui faire un solennel adieu. Georgina, bien que profondément endormie, fit un mouvement, et ses lèvres murmurèrent une douce remontrance.
Aylimer, confus, reprit sa surveillance. Au bout de quel-