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LES PORTRAITS PROPHÉTIQUES

fond obscur, semblaient une image réfléchie par un miroir. Mais, bien que la ressemblance promît d’être parfaite, ils n’étaient pas satisfaits de l’expression de leur physionomie, qui semblait plus vague que dans les autres portraits dus au pinceau de l’artiste. Ce dernier, cependant, paraissait plein de confiance dans la réussite de ces tableaux ; et comme il s’intéressait beaucoup aux jeunes fiancés, il faisait à leur insu, pendant ses moments de loisir, des esquisses de leurs deux figures sous des aspects différents pendant les séances qu’ils lui donnaient, il engageait avec eux quelque discussion qui animât leurs physionomies et les rendit plus caractéristiques ; puis il saisissait, pour ainsi dire au vol, l’effet produit par ces impressions passagères. Enfin il leur annonça qu’à leur prochaine visite il serait en mesure de livrer les deux portraits.

— Si l’exécution répond à mes désirs, leur dit-il, je médite quelques retouches qui feront de ces portraits mes deux meilleurs ouvrages. Il est vrai qu’il est rare de trouver de pareils modèles.

Tout en parlant, il détaillait encore leurs traits, et il ne cessa de les regarder que lorsqu’ils eurent atteint le bas de son escalier.

De toutes les petites vanités humaines, celle qui consiste à se faire peindre est peut-être la plus vive. À quoi cela peut-il tenir ? Est-ce que les miroirs, les boules polies des chenets, l’eau dormante, ou toute autre surface réfléchissante ne nous renvoie pas à chaque instant notre propre image ? Cependant c’est à peine si nous leur accordons un regard. Oui ; mais cet oubli vient seulement du peu de durée de ces apparitions ; et l’intérêt mystérieux que nous por-