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LA FILLE AUX POISONS

pour ainsi dire arracher ce garçon d’entre mes mains pour le faire servir à ses monstrueuses expériences. Quant à sa fille, j’aurai l’œil sur elle. Peut-être, savant Rappaccini, vous ferai-je échouer au moment où vous y penserez le moins !

Cependant Giovanni, après avoir pris des rues détournées pour dépister Baglioni, était arrivé à la porte de sa demeure. Il frappa et la vieille Lisabetta vint lui ouvrir en souriant d’un air mystérieux, comme pour attirer son attention ; mais ce fut en vain, car l’exaltation du jeune homme avait fait place à une sorte de prostration morale, et il ne semblait pas voir les regards d’intelligence que lui jetait la vieille.

— Signor, dit-elle enfin à voix basse en le tirant par son manteau, signor, répéta-t-elle avec un sourire qu’elle voulut rendre aimable et qui la fit ressembler à une grotesque figure du moyen âge, écoutez donc, signor : cette vieille porte vermoulue est une entrée secrète qui donne accès dans le jardin.

— Que dites-vous ? s’écria Giovanni sortant de sa rêverie ; il a une porte secrète qui donne dans le jardin du docteur Rappaccini !

— Chut ! chut ! pas si haut, murmura Lisabetta en mettant un doigt sur sa bouche. Oui, dans le jardin du docteur, où vous pourrez voir tant de belles fleurs. Bien des jeunes gens de Padoue m’ont offert de l’or pour pouvoir y pénétrer.

Giovanni mit un ducat dans les mains de la vieille. — Montrez-moi le chemin, dit-il d’un ton bref.

En même temps un soupçon traversa son esprit, soupçon dû sans doute à l’entretien qu’il venait d’avoir avec Baglioni. L’entremise de la vieille Lisabetta avait peut-être quelque rapport avec l’intrigue dans laquelle le professeur supposait