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CONTES ÉTRANGES

la plus fière beauté de l’Italie. Mais ce qu’il contient est sans prix. Une seule goutte de ce puissant antidote suffirait à neutraliser les plus terribles poisons des Borgia. Ne doutez pas qu’il ne soit efficace contre ceux de Rappaccini. Vous donnerez ce flacon à votre Béatrix avec la liqueur qu’il renferme, et vous attendrez le résultat avec confiance.

Baglioni plaça sur une table un délicieux flacon, chef-d’œuvre du ciseleur florentin, et s’éloigna aussitôt pour laisser à ses paroles le temps de produire leur effet sur l’esprit du jeune homme.

— Je vais encore déjouer ce Rappaccini, se dit-il à lui-même en descendant l’escalier ; il faut pourtant avouer que c’est un homme prodigieux, oui, vraiment prodigieux, mais ce n’est, après tout, qu’un vil empirique, un charlatan, auquel, par respect pour notre profession, nous ne devrions pas permettre d’exercer la médecine.

Cependant Giovanni était plongé dans la perplexité la plus cruelle. Lui fallait-il douter de sa Béatrix, ou suivre l’instinct secret de son cœur ? Devait-il accueillir les assertions de Baglioni et les soupçons qu’avait éveillés dans son esprit l’incident du lézard, celui du bouquet flétri, etc. ? Le jeune homme sentait, au milieu de ces inquiétudes, redoubler sa curiosité à l’égard de Béatrix au point qu’il se résolut de la satisfaire en la pressant de questions et en renouvelant de plus près des expériences décisives. Poursuivi par cette idée, il retourna chez la fleuriste et lui prit un second bouquet de ses fleurs les plus fraîches que la rosée parsemait encore d’une poussière étincelante.

C’était précisément l’heure à laquelle il avait coutume de descendre auprès de Béatrix. Avant de sortir, Giovanni jeta