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CONTES ÉTRANGES

souffla plus largement et avec plus de force sur l’araignée, lançant sur elle tout le poison que renfermait déjà son cœur. L’araignée tenta par un effort désespéré de se raccrocher à la toile, mais tout ce qu’elle put faire fut de se laisser glisser le long d’un fil, échelle improvisée, jusque sur l’appui de la fenêtre sur lequel elle tomba mourante.

— Maudit ! maudit ! murmura Giovanni, en s’adressant à lui-même, es-tu si empoisonné que ton souffle soit mortel, même pour ce venimeux insecte ?

En ce moment, une voix harmonieuse et pleine de séduction monta du jardin à la fenêtre.

— Giovanni ! Giovanni ! l’heure est passée, pourquoi tardes-tu ?

— Oui, murmura le jeune homme, elle est la seule créature à qui mon haleine ne puisse nuire !

Il s’empressa de descendre et un instant après il se trouva devant Béatrix, qui l’attendait les yeux brillants d’amour, auprès du buisson aux fleurs de pourpre.

— Béatrix, demanda-t-il brusquement, d’où vient cette plante ?

— C’est mon père qui l’a créée, répondit-elle simplement.

— Comment, créée, répéta Giovanni, qu’entendez-vous par là, Béatrix !

— La nature n’a guère de secrets pour mon père, répliqua-t-elle, cette plante est sortie de terre le jour où je vins au monde, nous sommes ses deux filles, l’une fruit de la science, l’autre de sa tendresse… N’en approchez pas, Giovanni, s’écria-t-elle avec terreur, voyant que le jeune homme l’examinait de plus près, n’en approchez pas, car elle a des propriétés dont vous ne vous doutez guère… Mon bien aimé