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CONTES ÉTRANGES

— Peut-être le verrez-vous, qui sait ?

Ernest n’oublia jamais l’histoire que sa mère lui avait racontée, et elle lui revenait à l’esprit toutes les fois qu’il regardait la Grande Figure de pierre.

Son enfance s’écoula paisible dans la petite cabane où il était né. Il était soumis à sa mère, l’assistait de ses petites mains et plus encore de son cœur aimant et tendre. D’enfant heureux, quoique souvent pensif, il devint un sage garçon, doux, tranquille et discret. Son visage était bruni par les travaux des champs, mais son œil brillait d’un feu plus intelligent que celui des enfants de son âge, élevés dans les plus fameuses universités. Cependant Ernest n’avait d’autre maître que la Grande Figure de pierre. Quand il avait fini son pénible labeur, il se plaisait à la considérer des heures entières, et, dans son extase, il s’imaginait qu’elle répondait par un sourire d’encouragement aux regards respectueux qu’il jetait sur elle. Se trompait-il, ou la Grande Figure le regardait-elle avec une prédilection réellement marquée ? Nous croirions volontiers que le jeune garçon savait y trouver ce que d’autres cherchaient en vain, et qu’ainsi cette bienveillance destinée à tous, était réservée pour lui seul.

Vers ce temps, le bruit courut dans la vallée que le grand homme annoncé depuis tant d’années, et qui devait ressembler à la Grande Figure, allait faire enfin son apparition. On racontait qu’un jeune homme, ayant depuis longtemps émigré de la vallée, s’était fixé dans un port lointain où, après avoir ramassé quelque argent, il s’était fait marchand. Son nom, je n’ai jamais pu savoir si c’était son véritable nom ou bien un sobriquet, son nom était Amas-