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LA GRANDE FIGURE DE PIERRE

Avant même ce moment, quelques-uns de ses admirateurs avaient subitement découvert sa ressemblance avec la Grande Figure de pierre, circonstance d’autant plus frappante qu’il était connu sous le nom de Tête-de-Rocher.

Or, pendant que ses amis politiques travaillaient à l’envi à son élection, Tête-de-Rocher, comme on l’appelait, résolut d’aller visiter sa vallée natale. Il n’avait, disait-il, d’autre but que celui de serrer la main à ses compatriotes, et personne ne supposa un instant que ce fût de sa part une manœuvre électorale. On fit donc de splendides préparatifs pour recevoir le grand homme d’État. Une escorte de cavalerie alla le recevoir aux limites de la province, et les habitants abandonnèrent leurs travaux ou leurs affaires pour s’échelonner sur son passage. Ernest fit comme les autres, bien qu’il eût déjà éprouvé deux déceptions ; mais il était d’un naturel si naïvement confiant qu’on le trouvait toujours prêt à croire à la bonté comme à la beauté. Il était donc venu dans le ferme espoir de considérer cette ressemblance attendue depuis si longtemps.

L’imposante cavalcade parut enfin sur la route au milieu d’un nuage de poussière soulevé par les pieds des chevaux. Toutes les notabilités du pays avaient tenu à honneur d’en faire partie : les officiers de la milice, en uniforme, les membres du congrès, le shérif, les éditeurs de journaux, et même quelque gros fermiers avec leurs habits du dimanche, montant leurs fringants poneys. C’était en vérité un brillant spectacle. Les cavaliers portaient des bannières déployées, et sur quelques-unes d’entre elles on voyait le portrait de l’illustre personnage et la Grande Figure se souriant comme deux frères, et, si la peinture ne mentait