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LA GRANDE FIGURE DE PIERRE

un rocher dont les parois abruptes étaient cachées au moyen de plantes grimpantes qui en déguisaient les anfractuosités sous un épais tapis de verdure. Au pied de cette roche s’élevait un tertre de gazon qu’ombrageait un bouquet d’arbres touffus. Ernest monta sur cette chaire improvisée et jeta sur son auditoire un regard de familière bonté. Tous attendaient, assis ou étendus à leur guise sur l’herbe drue et fraîche du vallon. Le soleil, près de disparaître, lançait ses derniers rayons à travers les arbres du bocage, et sa lumière ne pénétrait dans cet endroit champêtre que tamisée par leur feuillage épais. Par l’ouverture du vallon la Grande Figure souriait à cette scène à la fois joyeuse et solennelle.

Ernest parla, et dit simplement à ses auditeurs ce que lui dicta son cœur. Puissantes étaient ses paroles, car elles n’étaient que l’expression de ses pensées ; profondément utiles étaient ses pensées, car elles avaient pour garant l’exemple de sa vie entière. Ce n’étaient point de vains mots qui s’échappaient des lèvres de l’orateur, mais des paroles de vie et d’amour, breuvage plus riche que si toutes les perles d’Orient y eussent été dissoutes. Le poëte, en l’écoutant, sentit que le caractère d’Ernest dépassait en poésie ses œuvres les plus sublimes. Les yeux brillants de larmes, il contempla respectueusement cet homme de bien, et se dit en lui-même que jamais figure de prophète n’avait égalé cette physionomie bienveillante et doucement méditative avec sa couronne de cheveux blancs.

Au loin, chaudement éclairée par la soleil et le front surmonté d’un nuage de neige, comme celui du vieillard, apparaissait la Grande Figure dont le regard sympathique et majestueux semblait embrasser le monde.