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d’un pareil sacrifice ? Il lui en aurait coûté des millions de millions, tant de millions que l’éternité ne suffirait pas à en faire l’addition, pour avoir une friture de truites, un œuf à la coque, une pomme de terre, un gâteau et une tasse de café.

Néanmoins, il avait tellement faim, et son inquiétude était si grande, qu’il ne cessait de gémir tout haut et de la manière la plus pitoyable. Notre gentille petite Marie ne put se retenir plus longtemps. Les yeux fixés sur son père, elle cherchait de toute la force de sa jeune intelligence à s’expliquer ce qui pouvait lui être arrivé ; enfin, poussée par l’inquiétude et l’affection, elle quitta sa chaise, et, courant à Midas, lui passa les bras tendrement autour des genoux. Lui se baissa et l’embrassa. Il sentait amèrement combien l’amour de sa petite fille valait mille fois plus que tout ce qu’il avait gagné par la faculté surnaturelle dont il se trouvait doué.

« Cher bijou, ma bien-aimée ! » s’écria-t-il.

Mais Marie-d’Or ne répondit pas. Hélas ! qu’avait-il fait ? quel don fatal lui avait accordé l’étranger ? Au moment où ses lèvres avaient effleuré le front de l’enfant, une métamorphose s’était subitement opérée. La figure de Marie, tout à l’heure si fraîche, si pleine de grâce et de tendresse, avait pris une teinte jaune et brillante ; ses larmes s’étaient congelées le long de ses joues, et les beaux