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toujours été là, et que tout autre souvenir n’était qu’un songe. Mais un moment après, ils se rappelèrent les maisons disparues, les figures et le caractère des habitants, et ne crurent plus rêver. C’était malheureusement trop certain : le village qui était là hier encore avait disparu pour toujours !

« Hélas ! s’écrièrent-ils tous deux, le cœur navré de compassion, que sont devenus, nos pauvres voisins ?

— Ils n’existent plus sous la forme qu’ils avaient autrefois, dit le mystérieux voyageur de sa voix grave et sonore. » Un roulement de tonnerre répondit à ces mots, comme un écho lointain. « La vie, chez eux, n’avait plus ni utilité ni beauté ; car il ne leur arriva jamais d’adoucir ni de consoler les peines de leurs semblables. Ils n’avaient conservé au fond de leurs cœurs aucun sentiment humain ; c’est pourquoi le lac, autrefois maître de cette place, a recouvré son ancien domaine pour réfléchir la vue du ciel.

— Et quant aux fous qui habitaient là-bas, ajouta Vif-Argent en riant sous cape, ils sont tous changés en poissons. La transformation a dû s’exécuter on ne peut plus facilement sur une race de misérables dont le cœur était recouvert d’écaille, et dont le sang était glacé dans les veines. Ainsi, bonne mère Baucis, toutes les fois que vous et votre mari vous aurez envie de manger une truite, il jettera sa ligne