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paraît, chacune à leur tour, comme d’une paire de lunettes, ou, pour mieux dire, comme d’un simple lorgnon. Quand l’une des trois sœurs avait gardé l’œil pendant un certain temps, elle le sortait de son orbite et le cédait à celle des deux autres dont le tour était arrivé, et qui se l’appliquait immédiatement au front, pour jouir un instant du spectacle de la nature. De cette manière, il est facile de comprendre qu’une seule des trois femmes possédait le sens de la vue, pendant que ses deux sœurs étaient aveugles ; en outre, au moment où l’œil passait d’une main dans l’autre, aucune de ces pauvres vieilles ne percevait la lumière. J’ai entendu parler de choses bien étranges ; mais aucune, suivant moi, n’est comparable à la bizarrerie que présentent ces trois vieilles femmes n’ayant qu’un seul œil à leur service. Telle était aussi l’opinion de Persée, dont l’étonnement ne faisait que grandir ; il n’était pas loin de croire que son compagnon de voyage se moquait de lui, et que de pareilles créatures n’avaient jamais existé.

« Tu verras bientôt si je t’ai trompé, dit Vif-Argent. Écoute plutôt ! Chut ! les voilà ! »

Persée regarda de tous ses yeux dans les ténèbres, et finit par entrevoir, de manière à ne plus en douter, les trois vieilles femmes à peu de distance de l’endroit où il était. Il faisait si noir, qu’il eut de la peine à distinguer leur visage. Il remarqua seule-