Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/139

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longtemps par le taureau blanc ! Bien que l’âge s’appesantît sur leurs têtes, et que les traits de l’enfant perdue se fussent effacés de leur mémoire, aucun de ces trois cœurs fidèles n’avait faibli.

Un matin, cependant, le pauvre Thasus, s’étant donné une entorse, sentit qu’il lui était impossible d’aller plus loin.

« Dans quelques jours, disait-il tristement, je ferai de mon mieux pour me traîner à l’aide d’un bâton. Mais je vous retarderais, et peut-être vous empêcherais-je de trouver la chère petite Europe. Allez donc sans moi, mes bien-aimés compagnons, et permettez-moi de vous suivre comme je pourrai.

— Mon cher Thasus, dit la reine Téléphassa en le baisant au front, tu as toujours été pour nous un véritable ami. Tu n’es ni mon fils ni le frère de notre infortunée Europe, et pourtant tu nous as montré à toutes deux plus de fidélité que Phénix et Cilix, que nous avons laissés derrière nous. Sans ton affectueuse assistance et celle de mon fils Cadmus, mes membres endoloris n’auraient pu accomplir la moitié du chemin que nous avons fait. Aujourd’hui il est temps pour toi de jouir du repos : car, et c’est la première fois que je me l’avoue à moi-même, je commence à douter que nous retrouvions jamais ma fille bien-aimée. »

En prononçant ces paroles, la pauvre reine fondit en larmes. C’était, en effet, pour son cœur de