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Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/206

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leurs pieds. Grands dieux ! quelles longues oreilles pendantes ! quels petits yeux rouges, enfouis dans la graisse ! quels groins démesurés, au lieu des nez grecs qui les caractérisaient naguère !

Rien d’apparent ne les distinguait de la brute ; cependant il subsistait en eux un reste de nature humaine qui se révoltait de cette hideuse transformation, et le désir d’exprimer des plaintes se traduisait en grognements plus ignobles que jamais : c’étaient des cris si aigus que vous auriez cru, à les entendre, qu’un boucher leur enfonçait à tous à la fois un couteau dans la gorge, ou pour le moins que quelqu’un s’amusait à leur tirer leur petite queue ridiculement tortillée.

« À l’étable ! » répéta l’enchanteresse en leur donnant de légers coups avec sa baguette ; puis, se tournant vers les hommes de service : « Chassez-moi cette vilaine bande de pourceaux, ajouta-t-elle, et jetez-leur quelques poignées de glands. »

Les portes de la salle s’ouvrirent à deux battants, et ces vils animaux s’enfuirent dans toutes les directions, excepté la bonne, conformément à leur disposition perverse. On vint pourtant à bout de les pousser dans la basse-cour du palais. C’était vraiment un spectacle digne d’arracher des larmes (et j’espère qu’aucun de vous n’aura la cruauté d’en rire), de voir ces pauvres créatures souffler deci, delà, ramasser de ce côté une feuille de chou, de