Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/256

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Mais, en entendant cette voix aiguë, elle regarda de tous côtés, sans savoir d’où elle venait : un sentiment maternel lui rappelait la voix de sa fille. Cependant son esprit se refusait à croire que l’enfant eût pu s’égarer à travers tant de contrées et de mers. Elle-même ne serait pas parvenue où elle était, sans l’aide de ses dragons ailés. Aussi la bonne Cérès s’arrêta-t-elle à la pensée que ce devait être un autre enfant, et non sa Proserpine bien-aimée, qui avait jeté ce cri lamentable. Néanmoins, la crainte faisait tressaillir dans son cœur ces fibres délicates, si sensibles chez les mères, quand elles se séparent de leurs enfants sans les confier à la garde de quelque tante célibataire ou d’un tuteur fidèle. Tout émue, elle s’éloigna immédiatement du champ où elle se livrait à ses travaux ; et, comme son activité s’était interrompue, le lendemain le grain semblait avoir besoin de soleil et de pluie, ou se brouir dans son épi, ou bien souffrir de quelque vice dans les racines.

Les deux dragons étaient pourvus d’ailes d’une remarquable agilité ; car, en moins d’une heure, Cérès revenait à la porte de sa maison qu’elle trouva vide. Connaissant le plaisir que prenait l’enfant à jouer sur le bord de la mer, elle s’y rendit en hâte, et aperçut de là, à fleur d’eau, les figures humides des nymphes désolées. Celles-ci attendaient toujours, assises sur un banc d’éponge, et à tout instant