Aller au contenu

Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tu connaîtras alors l’amertume du chagrin. Dis-moi, je t’en prie, par pitié, as-tu vu ma pauvre enfant passer devant l’ouverture de ta caverne ?

— Non, répondit Hécate d’une voix brisée, et poussant des sanglots entre chacune de ses paroles ; je n’ai rien vu et je ne sais rien de ta fille. Mais j’ai les oreilles faites de telle façon que tous les cris de détresse et d’effroi qui sont jetés dans le monde ne manquent jamais d’y résonner. Il y a neuf jours, j’étais assise dans ma caverne, absorbée dans ma tristesse ordinaire. J’ai entendu distinctement les accents déchirants d’une voix de jeune fille. Quelque terrible malheur est arrivé à ton enfant, tu peux en être assurée. Autant que j’ai pu en juger, un dragon ou quelque autre monstre cruel l’entraînait avec violence.

— Tu me fais mourir de désespoir en parlant ainsi ! s’écria Cérès sur le point de perdre connaissance. D’où venaient ces cris, et dans quelle direction ont-ils frappé tes oreilles ?

— La vibration en a passé très rapidement, reprit Hécate, et en même temps l’air a retenti d’un grand bruit de roues du côté de l’Orient. Je ne peux rien te dire de plus, excepté que, dans mon opinion bien sincère, tu ne reverras jamais ta fille. Le meilleur avis que j’aie à te donner, c’est de fixer ta demeure dans ce rocher ; nous pourrons ensemble nous dire les deux femmes les plus misérables de l’univers.