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Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/318

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À ces mots, le roi lança un regard rapide sur les pieds du mystérieux visiteur.

« Ah ! murmura-t-il, voilà sûrement l’homme à la sandale unique ! Que puis-je faire de lui ? »

Et il serra plus fortement dans sa main le manche de son arme, comme s’il lui fût venu l’idée de tuer Jason au lieu du taureau noir. Le peuple saisit au passage, et sans les distinguer clairement, les paroles du souverain. D’abord il y eut un murmure sourd, puis l’air retentit brusquement de ce cri :

« L’homme à la sandale est arrivé ! l’oracle doit s’accomplir ! »

Or, il faut savoir que, bien des années auparavant, le roi Pélias avait reçu du chêne parlant de Dodona la révélation suivante : Il serait renversé du trône par un homme chaussé d’une seule sandale. En vue de cette menaçante prédiction, il avait décrété que nul ne serait introduit en sa présence sans avoir ses deux sandales fortement attachées aux pieds. Un officier spécial, affecté à l’exécution de ce règlement, devait rigoureusement examiner les sandales de tous ceux qui pénétraient dans le palais, et en fournir une nouvelle paire, aux frais du Trésor royal, et par précaution, à ceux qui en portaient d’usées. Pendant toute la durée de son règne, il n’avait jamais ressenti une agitation, un effroi semblables à ceux qu’il éprouva en voyant le pied nu de Jason. Cependant, comme c’était un prince