Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/66

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pensée du mal, est une espèce de Minotaure, un ennemi de ses semblables, repoussé de toute société, abject et misérable comme le monstre de la Crète.

Thésée fut-il épouvanté ? Point du tout, mes chers auditeurs. Quoi ! un héros d’une si haute vaillance ! Le Minotaure eût-il eu vingt têtes de taureau, il fût resté inébranlable. Mais, tout intrépide qu’il fût, je crois pourtant que son grand cœur redoubla d’ardeur quand il sentit une tremblante vibration communiquée au fil de soie toujours serré dans sa main gauche. Ariane lui transmettait tout ce qu’elle avait de force et de résolution. Le courage dont il était doué naturellement, et le peu qu’elle pouvait lui en donner, semblèrent, en se réunissant, doubler la puissance de son âme. S’il faut tout dire avec sincérité, ce secours ne lui était pas superflu ; car alors le Minotaure, se tournant subitement, aperçut Thésée et abaissa ses cornes aiguës, comme fait un taureau furieux quand il s’apprête à fondre sur son ennemi. En même temps il poussa un rugissement formidable dans lequel il y avait comme des éclats de voix humaine, mais qui se brisaient et restaient inarticulés en passant par la gorge de cette bête furieuse.

Thésée crut deviner les intentions du monstre, plutôt par ses mouvements que par ses cris ; car les cornes du Minotaure étaient plus acérées que son intelligence n’était visible, et plus menaçantes en-