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Page:Hearn - Au Japon spectral, 1929.pdf/89

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justifiée : mais il ne s’agit pas de perceptions visuelles. Si le hurlement d’un chien était vraiment, comme on le supposait jadis, provoqué par la terreur, il se traduirait non par les mots : « je Les vois », mais par : « je Les sens » ! Il n’existe aucune preuve à l’appui de l’idée qu’un chien peut voir des formes invisibles à l’homme…

Mais le hurlement nocturne de la chienne qui hante mon clos m’amène à me demander si elle ne discerne pas quelque chose de vraiment effrayant, quelque chose que nous nous efforçons en vain de rejeter de notre conscience morale : la loi dévoratrice de la vie. Certes, il y a des moments où son cri ne me rappelle plus le hurlement d’un chien, mais la voix de cette loi même, la voix véritable de cette Nature que les poètes appellent si inexplicablement « tendre », « miséricordieuse », « divine » ! Divine, peut-être d’une façon intense et inconnue, mais certainement ni miséricordieuse ni tendre ! Les êtres n’y existent qu’en s’entre-dévorant. Notre monde peut paraître beau à la vision du poète, — avec