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POÉSIE LYRIQUE.

L’œuvre lyrique, proprement dite, ne doit pas entreprendre de nous représenter un tel tableau. L’âme du poëte est bien aussi un monde qui peut embrasser un vaste ensemble d’objets ; mais elle ne peut rester elle-même, et conserver son caractère original, qu’autant que ses impressions offrent un cachet de particularité et d’individualité. Cependant, ici également, une multiplicité d’images, empruntées à la nature environnante, de souvenirs, d’expériences propres ou étrangères, d’événements fabuleux ou historiques, etc., ne sont pas exclus en principe. Mais, cette multiplicité d’objets ne doit pas, comme dans l’épopée, sortir du fond même du sujet ; elle n a droit d’apparaître qu’autant qu’elle vit dans les souvenirs du poëte ou naît de son talent fécond de combinaison.

C’est donc l’âme du poète qui doit être considérée comme le véritable principe d’unité du poème lyrique. Mais, l’âme en soi n’est qu’une unité purement abstraite ; c’est la substance simple de la personne ; ou bien elle ne représente que la multiplicité des pensées, des sentiments et des impressions, dont la liaison réside uniquement dans l’unité et l’identité du moi, qui les supporte et les contient, en quelque sorte, comme un simple vase. Pour que le poëme lyrique ait un véritable centre d’unité, il faut donc, d’une part, une situation de l’âme déterminée. Ensuite, le poëte doit s’identifier avec cette situation et s’y renfermer. Par là seulement, sa pensée devient un tout limité en soi ; il n’exprime que ce qui sort de cette situation ou ce qui s’y rattache.