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Page:Hegel - Système des beaux-arts, t. 1, trad. Bénard, 1860.djvu/410

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fond romantique de la peinture.

Or, dans la représentation d’une pareille réalité vivante, l’art change tout à-fait notre point de vue vis-à-vis d’elle. D’abord, il brise tous les liens de la vie pratique qui nous rattachent à l’objet et nous place en face de lui dans un rapport tout à-fait contemplatif. En même temps, il ne nous enlève que mieux notre indifférence ; il attire notre attention, qui était occupée ailleurs, sur la situation représentée, situation qui, pour être goûtée, a besoin de rassembler et de concentrer sur soi nos regards. — La sculpture, surtout, détruit naturellement, par ses productions idéales, le rapport pratique du spectateur avec l’objet, puisque son œuvre ne paraît pas appartenir à la réalité. La peinture, au contraire, nous met, d’un côté, tout à-fait en présence du monde au milieu duquel nous vivons. Mais, d’un autre côté, elle brise tous les fils qui nous y retiennent ; elle fait taire les besoins, les inclinations, les sympathies ou les antipathies qui nous attirent vers les êtres réels, ou nous en éloignent, en même temps qu’elle rapproche de nous les objets qu’elle nous montre comme ayant leur but en eux-mêmes et jouissant d’une vitalité propre. Ici nous trouvons le contraire de ce que M. de Schlégel exprime d’une manière si prosaïque, à propos de l’histoire de Pygmalion. Selon lui, cette fable indique le retour de l’œuvre d’art parfaite à la vie commune, où il s’agit de l’inclination personnelle et de la jouissance réelle. Ce retour est le contraire de l’éloignement dans