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Page:Hegel - Système des beaux-arts, t. 2, trad. Bénard, 1860.djvu/255

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poésie.

nous les trouvons dans l’ancienne mesure du vers. Il doit aussi avoir une force beaucoup plus prépondérante que le bruit des syllabes, dans le discours ordinaire, ne peut y prétendre, car il n’est pas seulement destiné à remplacer la mesure organisée du vers : sa tâche est aussi de faire ressortir l’élément sensible, de faire contre-poids à cette domination exclusive de l’accentuation et de la signification des mots. En effet, si une fois la pensée est parvenue à ce degré de concentration intérieure où le côté sensible du langage devient indifférent, le son doit être d’autant plus matériellement et plus grossièrement marqué en dehors de la pensée, et cela pour pouvoir seulement frapper l’attention. Ainsi, en opposition avec les mouvements délicats de l’harmonie rhythmique, la rime doit être un accord grossier, qui n’ait nullement besoin d’une oreille finement exercée, comme l’exige la versification grecque.

En second lieu, la rime, tout en ne se séparant pas de la signification spirituelle, solides syllabes radicales, soit des pensées en général, contribue cependant à donner au son sensible une valeur relativement indépendante. Or, ce but ne peut être atteint qu’autant que le son des mots déterminés se distingue en soi du son des autres mots, et qu’alors, dans cet isolement, il obtient une existence indépendante, afin de rendre de nouveau à l’élément sensible ses droits par un bruit matériel renforcé. La rime, à ce titre, en opposition avec l’accord entièrement rhythmique, est un son isolé rendu frappant.