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Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/105

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« Qu’écoutes-tu dans le grondement du vent ? Pourquoi ta main blanche tremble-t-elle ? »

— « Ce n’est pas le vent qui gronde, c’est le chant des sirènes, mes sœurs, que la mer a jadis englouties. »


10

Telle une orange gigantesque, la lune dort au milieu des nuages ; ses reflets, sur la mer grise, font de larges bandes d’or.

Seul, je passe sur la grève où se brisent les blanches vagues, et j’entends mainte douce parole retentir doucement dans l’onde.

Ah ! la nuit est bien trop longue, et mon cœur ne peut plus se taire : belles Nixes, sortez des eaux, dansez et chantez la ronde magique.

Prenez ma tête sur votre sein, que je sois à vous corps et âme ! Faites-moi mourir à force de chants et de caresses et que vos baisers boivent la vie de mon cœur !


11

Enveloppés de brumes grises, les grands dieux se sont endormis et je les entends qui ronflent ; nous aurons du mauvais temps.

Du mauvais temps ! La fureur de l’orage va disloquer la pauvre barque… Ah ! qui maîtrisera la rafale et les vagues indomptées ?

Je ne puis faire que la tempête n’ébranle pas les mâts et les poutres du bateau. Je m’enveloppe donc de mon manteau pour dormir du sommeil des dieux.


12

Le vent soulève des trombes, de blanches trombes d’eau ; il fouette tant qu’il peut, les vagues, les vagues hurlantes et courroucées.

Du ciel noir, des torrents de pluie tombent avec une force terrible ; c’est comme si la vieille nuit voulait noyer la vieille mer.