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« Qu’est-ce que j’entends chanter ? Ce sont les veilleurs de la cité ; il nous chantent notre épithalame, c’est la musique de la nuit nuptiale, ô doux compagnon de mon ivresse ! »

« Les gens de la noce arrivent déjà. Maintenant vont défiler les prévôts de la ville, armés de cierges allumés. Ils dansent gravement la danse des flambeaux. Ils sautent, ils bondissent, ils chancellent.

« Voici le haut et puissant sénat, voici le conseil des anciens ; le bourgmestre tousse, crache, et veut prononcer un discours.

« Voici, en brillant uniforme, le corps diplomatique. Il vient nous féliciter avec réserve au nom des États limitrophes.

« Voici la députation ecclésiastique, les rabbins et les pasteurs. Mais hélas ! voici Hoffmann aussi avec ses ciseaux de censeur !

« Les ciseaux bruissent dans sa main ; furieux, il se jette sur toi. Il taille dans le vif. — Hélas ! c’était le meilleur morceau ! »


27

Ce qui se passa encore dans cette nuit d’enchantements, je vous le raconterai une autre fois à une meilleure époque, aux beaux jours de l’été.

Heureusement la vieille race de l’hypocrisie s’en va de plus en plus. Dieu soit loué ! elle descend lentement au tombeau, elle meurt empoisonnée du venin de ses propres mensonges.

L’été sera beau. Une nouvelle génération s’élève, toute sans fard et sans péché, aux pensées libres, aux plaisirs libres. C’est à elle que je dirai tout.

Déjà bourgeonne la jeunesse qui comprend la fierté et les bienfaits du poète, et qui s’échauffe au soleil de son âme.

Mon cœur est aimant comme la lumière ; il est pur et chaste comme le feu. Les grâces les plus nobles ont accordé ma lyre.

C’est la même lyre que fit autrefois résonner mon père, Aristophane, le favori des Muses.