Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/260

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profane Shakespeare, le malheureux est forcé, après sa mort, de chevaucher avec lui dans le brouhaha de la chasse maudite.

Hélas ! mon bénin et languissant Franz Horn est obligé de galoper, lui qui osait à peine marcher à pied, et qui ne savait que s’agenouiller à son prie-Dieu et boire du thé.

Les vieilles filles qui dorlotaient son indolence ne vont-elles pas être saisies d’horreur quand elles apprendront que leur Franz est devenu un compagnon des chasseurs maudits ?

Quand on se met au galop, le grand William jette un regard ironique sur son pauvre commentateur, qui le suit douloureusement au trot de son grison,

Presque sans connaissance et cramponné à l’arçon de la selle, mais, après sa mort comme pendant sa vie, suivant fidèlement pas à pas son auteur.

Il y avait aussi beaucoup de femmes dans cette folle cavalcade des esprits, surtout de belles nymphes au corps svelte et juvénile.

Elles étaient assises à califourchon sur leurs coursiers, dans une complète et mythologique nudité. Seulement leurs cheveux dénoués ondulaient derrière elles comme des manteaux dorés.

Elles portaient des couronnes de fleurs sur leur tête, et fièrement renversées dans des postures voluptueuses, elles brandissaient des thyrses bachiques.

À côté d’elle, j’aperçus quelques nobles demoiselles chastement vêtues de longues redingotes de drap et obliquement assises sur leurs selles de femme vertueuse ; elles portaient le faucon au poing.

Derrière, comme une parodie, chevauchait, sur de maigres squelettes de haridelles, une cohue de femmes parées d’une façon théâtrale.

Leur visage était joli à ravir, mais quelque peu effronté. Elles criaient comme des folles, à faire tomber le fard dont leurs joues étaient peintes.