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Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/89

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Il sommeille ; la glace et la neige l’enveloppent d’un manteau blanc.

Il rêve d’un palmier, qui, là-bas, dans l’Orient lointain, se désole solitaire et taciturne sur la pente d’un rocher brûlant.


34

La tête dit :

Ah ! si j’étais seulement le tabouret où reposent les pieds de la bien-aimée ! Elle trépignerait sur moi que je ne ferais pas même entendre une plainte.

Le cœur dit :

Ah ! si j’étais seulement la pelote sur laquelle elle plante ses aiguilles ! Elle me piquerait jusqu’au sang que je me réjouirais de ma blessure.

La chanson dit :

Ah ! si j’étais seulement le chiffon de papier dont elle se sert pour faire des papillotes ! je lui murmurerais à l’oreille tout ce qui vit et respire en moi.


35

Lorsque ma bien-aimée était loin de moi, je perdais entièrement le rire. Beaucoup de pauvres hères s’évertuaient à dire de mauvaises plaisanteries, mais moi je ne pouvais pas rire.

Depuis que je l’ai perdue, je n’ai plus la faculté de pleurer, mon cœur se brise de douleur, mais je ne puis pas pleurer.


36

De mes grands chagrins je fais de petites chansons ; elles agitent leur plumage sonore et prennent leur vol vers le cœur de ma bien-aimée.

Elles en trouvent le chemin, puis elles reviennent et se plaignent ; elles se plaignent et ne veulent pas dire ce qu’elles ont vu dans son cœur.