Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/258

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De Harbourg je fus dans une heure à Hambourg. C’était le soir ; les étoiles me saluaient ; l’air était doux et frais.

Et lorsque j’arrivai près de madame ma mère, sa joie fut presque de l’effroi : « Mon cher enfant !» s’écria-t-elle, en frappant ses deux mains. « Mon cher enfant, voilà bien treize ans que je ne t’ai vu. Tu dois avoir faim ; dis-moi, que vas-tu manger ?

« J’ai du poisson, de l’oie et des oranges de Portugal. » — « Alors donne-moi du poisson, de l’oie et des oranges de Portugal. »

Et pendant que je mangeais avec grand appétit, ma mère, toute gaie et heureuse, me demandait ceci, me demandait cela, et parfois me faisait des questions captieuses.

« Mon cher enfant, et te soigne-t-on bien, là-bas, dans le pays étranger ? Ta femme est-elle bonne ménagère, et te raccommode-t-elle tes bas et tes chemises ? »

« Le poisson est excellent, ma petite mère ; mais il faut le manger en silence ; on attrape si vite une arête dans le gosier. Ne me trouble pas maintenant. »

Et quand j’eus dévoré le brave poisson, on me servit