Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/347

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éclatent des cris de souffrance. Quand sa pensée est plus calme, il cherche une forme nouvelle pour quelque idée morale, et crée des fables romantiques d’un modèle inconnu ; le plus souvent il se cramponne avec désespoir au passé, ou bien il trace d’une main fébrile des tableaux parisiens ; il raconte, comme il dit, ses inquiétudes babyloniennes et les concerts des chats sur les toits, se mêlant au vacarme intérieur de sa pensée ; puis viennent des souvenirs d’Allemagne, des satires politiques, littéraires, musicales, des portraits et des scènes charivariques, l’entrevue du roi de Prusse et du poète souabe George Herwegh, et un burlesque empereur plébéien sous la figure d’un masque du carnaval de Cologne ; car dans cette confession des heures suprêmes les fautes et les travers d’autrui jouent très-souvent le principal rôle, de même que dans ses aspirations au repos le regret des jouissances matérielles, il faut bien le dire, tient une place singulièrement agrandie. Ce regret des voluptés impossibles serait même, si on le prenait au mot, la conclusion de ses pensées sur la mort. Toujours l’ironie, comme on voit, toujours le dédain de l’âme et la négation de la vertu, toujours enfin ces théories méprisantes que l’humoriste ne craint pas de s’appliquera lui-même ! Quelle que soit l’originalité des nouvelles strophes du poète, nous croyons que ce n’est là encore qu’une crise dans le développement de sa pensée. »


(Revue des Deux Mondes, 1er septembre 1854)