Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/352

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La chatte répondit : « Ma gentille demoiselle, je vous en prie, entrez, honorez ma demeure de votre présence. Les plus belles dames viennent chez moi, des duchesses même, la haute noblesse… Les pantoufles, je vous les laisserai à bon marché ; mais voyons d’abord si elles vous vont. Ah ! je vous prie, entrez et asseyez-vous. »

Ainsi parle d’un ton doucereux la méchante et perfide chatte, et la blanche petite inexpérimentée tombe dans le piège, dans le guet-apens meurtrier. La souris s’assied sur un banc et tend sa jambe fine pour essayer les souliers rouges ; — c’était un type d’innocence et de sérénité. — Tout à coup la méchante chatte la saisit et l’égorge avec ses griffes furieuses. Elle lui mord sa pauvre petite tête et dit : « Ma chère, ma blanche petite créature, ma petite mignonne, te voilà morte comme une souris que tu es, raide morte ! Toutefois je veux placer sur ta tombe les petites pantoufles écarlates ; quand la trompette du jugement sonnera pour la dernière danse, tu sortiras du tombeau comme les autres, et alors tu mettras les petites pantoufles rouges. »

MORALE DE LA FABLE.

Blanches petites souris, prenez garde à vous ! ne vous laissez pas amorcer par l’éclat des choses du monde ! Mieux vaut, je vous le conseille, mieux vaut trotter pieds nus que d’acheter des pantoufles chez la chatte.