Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/175

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tout et rien n’a réussi. Il a tout usé, les passions et les sophismes. À force de les manier, il les a dépouillés des oripeaux qui les déguisaient ; voilà qu’il aperçoit leurs squelettes et qu’il n’en a pas horreur. Que voulez-vous être ? Païen ? Allons donc ! Rationaliste ? Fichte est mort panthéiste. Hegel est mort.

Tout ce qui s’use est usé ; tout ce qui s’épuise est épuisé. Que reste-t-il donc ? L’inépuisable. Toutes les sources sont à sec, excepté celle qui ne peut tarir ; le sang de l’homme n’a pas suffi, c’est le sang de l’Homme-Dieu qu’il faut boire !

La maladie naturelle de la passion consiste à adorer un objet fini ; sa maladie accidentelle, celle qui se déclare, depuis cent ans, consista à s’apercevoir que l’objet fini n’est pas adorable, et néanmoins à s’obstiner dans cette adoration. De là un malaise nouveau, que nos pères n’ont pas connu. Ils avaient dans leurs passions une simplicité qui est refusée aux nôtres. Leurs passions étaient précises, les nôtres sont vagues. Leur passion semblait s’adresser à telle personne ou à telle chose. Les nôtres déclarent, sans presque se cacher, que la personne ou la chose dont elles s’occupent n’est pour elles qu’un prétexte. Aussi le dix-neuvième siècle a-t-il inventé une passion spéciale qui est l’explication de toute sa littérature. Cette passion est la somme de toutes les passions combinées, mais elle ne permet à aucune d’elles de revêtir expressément sa forme propre, Cette passion est un