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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/219

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pour nous intéresser, d’être un homme complet ; il ne nous est donné que comme une victime, et c’est ainsi que nous l’acceptons.

La pièce se joue dans les enfers.

La fatalité pèse sur Oreste dès les premiers mots qu’il prononce, et, quand elle se révèle, personne n’a le droit de s’étonner.

Dans la tragédie de Racine, les Furies n’ont aucun rôle. Oreste est un amoureux et un ambassadeur ; il fait des compliments à Pyrrhus et des déclarations à Hermione. La Fatalité est absente. Oreste n’a pas tué sa mère, ou s’il l’a tuée, il ne s’en souvient plus. Les Furies l’ont oublié pendant cinq actes, et quand elles arrivent, il n’est plus temps. Après une intrigue amoureuse, il nous déclare en vers élégants qu’il les voit revenir. Cette communication inattendue, à laquelle les gardes de sa suite opposent une indifférence complète, nous étonne, sans nous effrayer. Les filles d’enfer, ainsi que l’appareil qui les suit, au lieu de venir, comme Oreste le pense, l’enlever dans l’éternelle nuit, apparaissent dans l’intention assez peu infernale d’amener une tirade qui prépare la chute du rideau.

La tragédie grecque est plus sérieuse. Elle manifeste la Fatalité sous ses différentes formes et sous ses différentes passions. Car la Fatalité grecque a des passions.

Œdipe est un autre Oreste. Accusé de folie par ses enfants, Sophocle, pour se justifier, étala devant ses juges le spectacle de la fatalité incurable. Il fut, à cet instant solennel,