Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/233

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tude de partir, lui, pour l’Amérique, et il n’est pas impossible qu’il trouve de jolis quolibets.

Quant à l’homme médiocre, sa rage a un caractère à part, et on ne la connaît bien que quand on le connaît bien lui-même. C’est le fond de son cœur qui est blessé, et pour sonder la blessure il faut aller au fond de ce cœur, qui est profond à sa manière, comme un vide, comme un trou.

Il n’a pas besoin, pour haïr l’homme de génie, de savoir, même vaguement, ce que celui-ci a fait, ni de quoi il est question. Non ; il le reconnaît à sa signature, et il le hait, sans savoir pourquoi, d’une haine animale que l’instinct donne à certains êtres inférieurs. Il le hait et il veut lui nuire, pour faire du mal à quelque chose de grand. Sa vanité, qui a tant à venger, vise là, sans même en avoir conscience, comme à une vengeance universelle, comme à un triomphe qui dédommagerait de tout. Aussi il remue son néant pour y trouver quelque chose ; il essaye même du mépris, mépris impossible et avorté : il ne parvient à exhaler que des miasmes infects qui voudraient être des poisons, et qui aident à deviner ce qu’il y a dans les âmes où il n’y a rien.

Je renvoie le lecteur au portrait que j’ai fait ailleurs de l’homme médiocre. J’entends par ce mot non l’homme d’un esprit ordinaire, mais l’homme inférieur, méchant et envieux.