Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/38

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champs bénis sur la moisson dorée ne ressemblent pas à un morceau de pain. Si les hommes étaient aussi étrangers à l’ordre physique qu’ils le sont quelquefois à l’ordre moral, ils diraient, en face du pain : Que nous importe la lumière ? que nous importe la chaleur ? Et pourtant, qu’est-ce que le pain, sinon un rayon de soleil pétri dans la matière terrestre par le travail de l’homme ?

Nous verrons un autre jour comment dans l’ordre du mal s’enchaînent les choses, comment l’homme, qui a travaillé, qui devrait ensuite se reposer, au lieu de se reposer, s’enivre, et fait le mal sans remords, après avoir fait le bien sans amour. Il mêle le bien et le mal, il dit : qu’importe ! Il n’a pas lu Hegel, mais il l’a respiré dans l’air sans le savoir, et dit à sa façon : L’être et le néant sont identiques.

Le paysan qui ne sait pas lire, mais qui, au moment où il remue la terre, s’arrête et tire son chapeau quand l’Angélus sonne, se nourrit de la lumière et a besoin de Dieu.

Nul ne connaît, dans son ensemble et dans ses détails, l’action de la lumière sur le monde, nul ne peut savoir quel bien fera une parole vraie, quel mal fera une parole fausse. Nul ne peut suivre sa parole à travers l’espace pour en surveiller les ricochets. Nul ne peut imposer aux conséquences lointaines d’une vérité, aux conséquences lointaines d’une erreur les limites qu’il voudrait leur imposer. Nul homme, au moment où il attaque, même sur le point le plus étranger en