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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/55

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main voulait sortir, la volupté et la rage se battaient et s’accordaient. Il y avait des grincements de dents, comme en enfer. L’éclat de rire a fini par 93, qui était son dénouement naturel. Pour satisfaire l’homme qui rit sans joie, toute l’humanité n’a pas trop de sang dans les veines. La haine et la mort sont enfin sorties des cœurs serrés qui en avaient fait provision. Je ne m’étonne que d’une chose, c’est que la gaieté de Voltaire ait pu se contenter à si peu de frais, qu’elle n’ait pas tari la race humaine, et que l’histoire ait continué… Elle a continué pourtant, et ceux qui ont survécu au rire de l’Encyclopédie, obligés au sérieux par le spectacle des égorgements, ont subitement changé de ton. Une école nouvelle s’est formée, qui, au lieu de rire toujours, a pris le parti de pleurer sans interruption. Le romantisme, tel est le nom qu’a pris cette école, a deux origines : l’origine littéraire, que j’ai expliquée ailleurs, c’est la révolte de l’homme contre la mécanique des pédants ; puis l’origine sentimentale, qui est le retour forcé de l’homme vers les aspirations sérieuses, séparées des idées capable de satisfaire, ou, au moins, de guider ces aspirations.

Tout jeune homme qui n’a pas reçu une éducation forte et sainte, éprouve, pendant un temps plus ou moins long, des aspirations sans objet. Toute la littérature a été ce jeune homme, et voilà le romantisme. Le romantisme, c’est l’état de l’âme rappelée au sérieux