Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/65

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mais qui donc donnera aux années des peuples une mesure commune et fixe ? Il me semble que tout homme capable de pénétrer dans le sens mystérieux de la vie, doit être frappé de cette remarque. L’histoire suppose l’unité de la race humaine. Pour que l’histoire existe dans sa dignité, il faut qu’elle embrasse le monde. Or comment ferait-elle, sans la croix, pour embrasser le monde ? Elle serait arrêtée au premier pas, par le plus misérable et le plus invincible obstacle, par la chronologie. Vous allez dire : Mais comment faisait l’histoire avant Jésus-Christ ? elle comptait apparemment.

L’histoire va vous répondre comme l’Agneau de la Fable :

Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas née ?

Veuillez le remarquer ! les Grecs ou les Romains racontaient leur histoire, mais n’écrivaient pas l’histoire. L’histoire suppose l’universalité des relations humaines ; elle n’est pas obligée de les raconter toutes, mais elle est obligée de les supposer toutes, et de sous-entendre celles qu’elle ne dit pas. Si vous écrivez l’histoire de France, vous n’êtes pas obligé de vous souvenir que les Indes existent, que l’espèce humaine est une, et que le soleil actuel éclaire en Asie comme en Europe l’an de grâce 1880. Quand les Romains écrivaient le récit de leurs actes, ils écrivaient leurs affaires particulières, ils n’écrivaient pas l’histoire de l’homme. Les poètes seuls, dans