Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/46

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Apprends de moi qu’un goût, alors qu’il est unique,
Se change en passion, et devient tyrannique ;
Que la variété rend vif un plaisir doux.
Un homme a-t-il en soi rassemblé plusieurs goûts ?
S’il en perd un, sa perte est pour lui moins sensible.
En achevant ces mots, un pouvoir invincible
M’a déjà transporté près d’un vaste palais.
Ses abords sont couverts par un nuage épais ;
L’on n’aperçoit au loin que ruines antiques ;
Des débris entassés en forment les portiques ;
Et ce palais, fameux par son antiquité,
Est bâti parla Fable et par la Vérité.
Là, les crayons en main, la muse de l’histoire
Éternise des morts ou la honte ou la gloire.
Le sage la consulte, et, d’un œil curieux,
Voit comment l’amour-propre, en tous temps, en tous lieux,
Pere unique et commun des vertus et des crimes,
Creusa de nos malheurs et combla les abymes ;
Forma des citoyens, les soumit à des rois,
Fit, rompit, resserra le nœud sacré des lois ;
Éteignit, ralluma les flambeaux de la guerre,
Et mut diversement tous les fils de la terre.
Des antiques Romains l’autre observant les mœurs,
Et leur férocité, germe de leurs grandeurs,