Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/79

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J’ai fermé, diras-tu, mes yeux à la lumiere.
Que ton dieu vienne donc déciller ma paupiere.
Tu le sais, la croyance est dans tous les instants
L’œuvre de sa bonté, non celui des tourments.
Je te connais, Eblis ; mon œil enfin démêle
L’intérêt qui te meut à travers ton faux zele.
La terre est contre toi prête à se révolter :
Pour te l’assujettir tu veux l’épouvanter ;
Tu veux être puissant, et l’être par le crime ;
De ton ambition tu me fais la victime.
Sans un arrêt du ciel, ne crois pas que ma main
Osât, reprend Eblis, verser le sang humain :
Contre toi de mon dieu la colere est armée.
Sur cet affreux bûcher si je suis consumée,
C’est par l’ordre d’Eblis, non par celui des dieux.
Que ton culte soit saint ; tu le dis, je le veux ;
Mais, de ce culte enfin quelque soit l’excellence,
Réponds : ton dieu peut-il punir comme une offense
Le forfait innocent de l’avoir méconnu ?
Je m’en rapporte à toi : me condamnerois-tu
Si, reléguée encore en de vastes contrées
De ces funestes lieux par des mers séparées,
J’avois, prêtant l’oreille à des bruits imposteurs,
Méconnu ton pouvoir, ton nom et tes grandeurs ?