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PŒUF.

commensurables, se montrent très petits d’abord, d’une petitesse d’oiseau par les ciels fulgurants, puis se développent, puis se transforment. Ils approchent, leurs voiles bombent, leur coque se dessine, la mer blanchit à leur proue ; de la fumée ! les cordages naissent à vue d’œil, coupent l’atmosphère de lignes raides ; et voici qu’avec une lorgnette on aperçoit la vigie au haut d’un mât. C’est eux qui, de courses en plein vent, amènent un air plus respirable. Vont-ils jaser de mort, de désastres, ou égayer ce coin de rivage où déjà l’on s’agite ? Nul ne le sait. Et des coups de sifflet percent les distances ; et le navire paraît se déshabiller. On jette l’ancre.

— Hein ? comme ça sent la France ! s’écrient, de-ci de-là, les gens dont la primitive énergie de langage n’a pas été tuée par la fréquentation du nègre et la chaleur.

— Oui, chè, ça sent vouement la Fouance ! répondent les autres.

Aussi, dès qu’un packet est signalé, une foule se précipite-t-elle vers les débarcadères. Fonctionnaires de tous rangs et de tous grades, créoles endimanchées, mulâtres, noirs, femmes de couleur, magnocos de race plus ou moins suspecte, une masse humaine grouille, prête à s’insuffler l’odeur, la sympathique odeur, au moment où le premier canot l’apportera. Et les visages