Page:Hennique - Pœuf, 1899.djvu/122

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Pœuf est une histoire vraie, un épisode de mon jadis, un rappel de ce premier âge où, malgré la joie de vivre, tout enfant, miniature d’homme, est déjà une petite machine à aimer et à supporter…

Lorsque je résolus de l’écrire, cette histoire, il me sembla d’abord que je n’y arriverais point. Une sorte de poussière avait neigé sur elle, une poussière froide, une poussière d’années multiples. J’évoquais bien les êtres, leurs gestes, leurs paroles, — nul ne les oublie ! — mais le détail, autour de mon évocation, le détail exotique, je l’apercevais mal, je l’éprouvais avec fatigue, trop mâchuré de choses.

Je me mis au travail pourtant, — et sous ma plume, par un phénomène inintelligible, ce même détail, qui venait de me fuir, revint à moi comme un vol d’alouettes charmées. J’ai pu sauver de ma jeunesse la bribe que j’en désirais sauver ; j’ai pu refaire son beau cadre, ses paysages d’or, son ciel, ses plantes, son lustre harmonieux… Oui, oui… c’est presque cela !… J’achève de relire l’humble drame conté, et je crois qu’il dit l’autre, le drame vécu là-bas, anciennement, au pays des goyaves et des mulâtresses.

Préface inédite de Léon Hennique pour l’édition illustrée.